Marc Riboud s’est attaché à l’actualité des peuples en lutte dans le monde tout autant qu’à la douceur de ses paysages de montagne. De la jeune fille à la fleur (rose !) jusqu’aux sommets de Huang Shan dans la brume, un parcours en résistance (aux clichés).
Le 23 juillet 1944, dans les falaises qui dominent le hameau de Valchevrière (Isère), Marc Riboud échappe de peu aux balles des troupes nazies qui sèment la terreur sur le plateau du Vercors pour exterminer les résistants dont il fait partie, placés sous la houlette de l’écrivain-journaliste Jean Prévost. Ce récit, nous le publierons, sous la plume du grand reporter Patrice Morel, dans le numéro 14 de L’Alpe (Terres de refuge). Marc Riboud n’a alors que vingt-et-un ans et n’est pas encore photographe. Un épisode tragique (il verra notamment le fiancé de sa sœur Françoise abattu par l’armée d’occupation) qui marquera probablement à jamais son itinéraire d’homme d’image.
Pour la prestigieuse agence Magnum où il a été recruté par Robert Capa dès 1953, il va ainsi couvrir la plupart des combats pour la liberté et l’indépendance, depuis l’Afrique jusqu’à l’Extrême-Orient en passant par la révolution cubaine, les grèves des dockers à Liverpool ou encore les manifestations de mai 1968 à Paris. Avec le regard, perçant, du reporter ; et en amoureux de la composition, qui jamais ne s’attarde sur les violences, leur préférant des images plus évocatrices de la marche de la planète.
Les photographes de presse savent bien la force, mais aussi la fragilité, de leur témoignage et l’importance de la rigueur journalistique dans la contextualisation de leur travail. Mais ce qui frappe le plus dans l’œuvre de Marc Riboud, c’est cette tendresse naturelle pour les femmes et les hommes qu’il côtoie. Et cette attention si particulière qu’il porte également aux paysages. Comme si l’œil du photojournaliste, parfois fourbu de documenter toutes les fureurs du monde, avait besoin de se ressourcer en contemplant déserts dénudés, végétations erratiques, rizières, cairns, pics et brumes dans les montagnes de l’Afghanistan, de la Californie, de la Chine, de l’Inde ou du Népal.
Ces vis-à-vis entre les deux facettes d’un photographe si attachant, nous avons voulu les mettre en lumière dans ce numéro de L’Alpe en résistance. Pour dire, en somme, que bien longtemps après que les dictateurs se soient définitivement tus, la petite flamme de la voix du poète, comme celle du musicien, jamais ne s’éteint…
PASCAL KOBER
D’autres images de Marc Riboud peuvent être consultées sur son (remarquable) site Internet : www.marcriboud.com
Une grande rétrospective de son travail est par ailleurs présentée jusqu’au 11 octobre 2011 à la Young Gallery à Bruxelles (Belgique) : www.younggalleryphoto.com